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Acquittement Alcool au volant – Jugement du 1er octobre 2020

Non coupable alcool au volant octobre 2020

La preuve de l’alcoolémie de l’accusé obtenue suite à son arrestation pour alcool au volant est exclue au motif que le policier n’avait pas de motifs raisonnables de procéder à l’arrestation de l’accusé. En effet, le policier aurait dû attendre 15 minutes avant de lui faire passer un test de dépistage d’alcool. De plus, le droit à l’avocat de son choix prévu par la Charte canadienne des droits et libertés a également été violé.

Comme les taux d’alcoolémie sont exclus de la preuve, l’accusé est acquitté de l’infraction d’avoir conduit véhicule à moteur alors qu’il avait une alcoolémie illégale dans le sang en vertu de l’article 320.14(1)b) du Code criminel, soit une alcoolémie de 80mg ou plus d’alcool par 100 ml de sang.

LES FAITS ET LA PREUVE

L’accusé participe à une fête entre amis. Un ami lui demande de déplacer son véhicule car celui-ci est stationné devant l’entrée.

Alors qu’il déplace son véhicule tel que demandé, il percute un véhicule stationné dans la rue.

Il va voir le propriétaire du véhicule endommagé et discute avec celui-ci.

L’accusé suggère alors de communiquer avec les policiers afin qu’un rapport d’accident soit confectionné.

Les policiers, qui sont contactés vers 19h30, arrivent sur les lieux de l’accrochage à 19h49.

Lorsqu’ils arrivent sur les lieux, le propriétaire du véhicule accidenté est toujours sur les lieux alors que l’accusé est retourné chez ses amis en attendant l’arrivée des policiers.

Un policier va à la rencontre de l’accusé, et rapidement, soupçonne la présence d’alcool dans l’organisme de l’accusé. Il lui ordonne donc d’effectuer un test de dépistage d’alcool. Il est alors 20h00.

 

L’accusé fournit un échantillon d’haleine tel que demandé et, à 20h03, échoue le test fait à l’aide de l’ADA (appareil de détection approuvé).

Le policier procède alors à l’arrestation de l’accusé pour alcool au volant. Il lui lit  ses droits, lui ordonne de suivre les policiers au poste afin de procéder aux tests d’haleine à l’aide de l’éthylomètre, tel que requis par la loi.

Ils quittent les lieux de l’accident à 20h09 et arrive au poste de police à 20h16.

Une fois rendu au poste, l’accusé discute de façon confidentielle avec un avocat de l’aide juridique de 20h27 à 20h30.


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Une fois cet appel terminé, l’accusé fournit les 2 échantillons d’haleine requis afin de déterminer son alcoolémie.

LA POSITION DE L’ACCUSÉ

« Au procès, l’accusé demande l’exclusion des éléments de preuve recueillis alléguant que ses droits constitutionnels le protégeant contre la détention arbitraire, les perquisitions abusives et lui permettant d’être assisté par l’avocat de son choix ont été violés.

Premièrement, l’accusé soutient que le policier qui lui a ordonné de fournir un échantillon dans l’ADA ne s’est pas assuré de la fiabilité du résultat en ne respectant pas un délai de quinze minutes après la dernière consommation d’alcool.

Puisque les circonstances rendaient le résultat de l’ADA peu fiable et que c’est ce résultat qui a mené à l’arrestation de l’accusé et à l’ordre de fournir un échantillon dans l’éthylomètre, l’accusé soutient que le policier n’avait pas les motifs raisonnables requis. Par conséquent, son arrestation et l’ordre de fournir un échantillon sont donc illégaux, sa détention est arbitraire et la fouille est abusive.

Deuxièmement, l’accusé soutient que le policier qui lui a donné son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat ne s’est pas assuré de sa compréhension à l’effet qu’il pouvait consulter l’avocat de son choix.

Comme le policier n’a pas rencontré son obligation d’informer adéquatement l’accusé, celui-ci n’a pas renoncé à son droit d’être assisté par l’avocat de son choix et, par conséquent, bien qu’il ait contacté un avocat du service de garde de l’aide juridique, le droit de l’accusé a été enfreint.

Compte tenu de ces violations, l’accusé demande d’exclure les éléments de preuve obtenus à la suite de l’atteinte à ses droits, plus particulièrement les résultats des échantillons d’haleine prélevés par l’éthylomètre au poste de police ».

LA POSITION DU PROCUREUR DE LA POUSUITE

Le procureur de la Couronne, dans ce dossier, considère que le policier pouvait se fier au résultat obtenu par l’appareil de détection approuvé, soit FAIL (échec), et ainsi obtenir les motifs nécessaires pour procéder à l’arrestation de l’accusé pour alcool au volant.

Pour ce qui est de la prétention de la défense à l’effet que le droit de l’accusé à l’avocat de son choix, le procureur de la poursuite considère que le policier a rempli ses obligations face à l’accusé, tant l’obligation d’information que l’obligation de la mise en œuvre du droit à l’avocat.

LES FAITS RETENUS PAR LE JUGE

Une des premières choses que le Juge constate est le fait que le policier n’a pris aucune note lors de son interventions et que son rapport n’était pas « suffisamment détaillés pour lui permettre de répondre aux questions soulevées ».

À ce sujet, le Juge rappelle que « les policiers ont l’obligation de prendre des notes « exactes, détaillées et exhaustives dès que possible après l’enquête » et l’omission de le faire devient un élément pertinent dans l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité de la preuve soumise par un policier.

Toutefois, cette omission ne conduit pas automatiquement au rejet du témoignage d’un policier.

En effet, dans le cadre de l’évaluation de ce témoignage, le Tribunal doit analyser les explications fournies par le policier sur l’absence ou la déficience de telles notes, et ce, en considérant l’ensemble de la preuve.

Le Tribunal doit avoir à l’esprit que face à une prise d’informations déficientes, il est concevable qu’il soit difficile pour un policier d’avoir un souvenir détaillé d’une situation précise qui ne présente rien de particulier.

Toutefois, bien que la méthode de travail des policiers ne soit pas l’affaire du Tribunal, elle devient pertinente et peut avoir une incidence sur la preuve présentée lorsque l’absence ou la déficience de notes soulève des questionnements quant à fiabilité du témoignage d’un policier ».

Le Juge considère que le policier « un souvenir parcellaire de ce qui s’est passé ».

D’ailleurs, lors du témoignage du policier, force est de constater qu’il ne peut répondre à plusieurs questions : où est l’accusé lors de l’arrivée des policiers sur les lieux, est-ce qu’il consomme de l’alcool lors de l’arrivée des policiers, quelles questions pose-t-il à l’accusé concernant sa consommation d’alcool, si l’accusé avait son cellulaire en sa possession lors de sa fouille, les discussions entre le policier et l’accusé concernant le droit à l’avocat, etc…

« Le Tribunal estime qu’il est surprenant que des informations aussi importantes et pertinentes telles que la consommation récente d’alcool et les informations données concernant le droit à l’avocat ne soient pas consignées aux notes. »

Comme le policier n’a pas un souvenir limpides des événements et que « ses notes sont déficientes, le Tribunal ne peut que conclure à l’absence de fiabilité de la version » du policier sur les questions en litige dans la présente cause.

« D’un autre côté, même si la version de l’accusé peut sembler cousue de fil blanc, elle est possible, voire plausible. L’accusé a témoigné sans contradictions importantes. Ses réponses étaient constantes et son souvenir précis. Son témoignage présente un niveau de fiabilité suffisamment élevé pour que le Tribunal lui accorde un niveau de crédibilité acceptable pour constituer une preuve prépondérante ».

La version de l’accusé

Après l’accident et une fois les policiers contactés, l’accusé retourne chez ses amis et consomme de l’alcool. D’ailleurs, à l’arrivée du policier chez ses amis, il déposera sa consommation pour suivre le policier.

Lorsque le policier lui demande s’il a consommé de l’alcool avant l’accident, l’accusé lui fait part qu’il était dans un resto-bar situé à 50 mètres de chez ses amis. Par ailleurs, « il n’y a aucune discussion concernant la consommation récente d’alcool ».

Après le résultat FAIL du test effectué à l’aide de l’ADA, « le policier lit une carte. L’accusé comprend qu’il est mis en état d’arrestation, qu’il a le droit au silence et qu’il est obligé de suivre les policiers.

Pendant que le policier l’informe de ceci, les deux jeunes enfants de l’accusé sont à proximité. La situation rend l’accusé nerveux et il veut quitter le plus rapidement possible en demandant au policier que quelqu’un s’occupe de ses enfants.

L’accusé n’a pas souvenir que le policier lui ait mentionné son droit à l’avocat à ce moment. Il mentionne au Tribunal que le tout s’est déroulé tellement rapidement que s’il en a été question il ne l’a pas saisi.

Selon l’accusé, c’est rendu au poste que le policier lui parle du droit à l’avocat. L’accusé est assis dans une salle où il y a un téléphone de disponible sur une table.

Comme l’accusé n’a aucune expérience en semblable matière il questionne le policier sur ce qu’il doit faire. »

Comme réponse, le policier « lui présente un annuaire téléphonique des Pages Jaunes pour des avocats de Trois-Rivières et lui montre une affiche concernant le service de garde de l’aide juridique.

Comme l’accusé se questionne sur la différence entre un avocat de l’aide juridique et un avocat inconnu de Trois-Rivières, le policier lui répond que les conseils seront les mêmes sauf que l’avocat de l’aide juridique sera gratuit et qu’il est certain qu’il répondra à l’appel.

Suite à cette discussion, l’accusé décide donc d’aller vers la simplicité. Il communique avec un avocat du service de garde de l’aide juridique.

Après la consultation avec cet avocat, l’accusé est insatisfait puisque l’avocat ne voulait pas écouter ses explications. L’accusé ne se sent pas bien représenté. Toutefois, comme il exerce son droit au silence, il n’en parle pas au policier.

L’accusé affirme qu’en aucun temps le policier ne lui a demandé s’il connaissait un avocat ou lui a mentionné qu’il pouvait appeler l’avocat de son choix. À ce sujet, l’accusé indique qu’il connaissait un bureau d’avocats qui a représenté un de ses amis pour des accusations de même nature.

Finalement, l’accusé insiste pour dire qu’il voulait collaborer avec les policiers et qu’il n’a pas mentionné le nom d’un bureau d’avocats parce qu’il ne savait pas que c’était une option possible.

Le lendemain, l’accusé communique avec le bureau en question en trouvant le numéro sur Internet. »

La version du policier

Le policier indique à la Cour que lorsqu’il arrive sur les lieux de l’accident, il demande à l’accusé s’il avait consommé de l’alcool, ce à quoi l’accusé répond qu’il avait consommé un « rhum and coke » au resto-bar situé tout près des lieux.

« Le policier ne pose pas plus de questions à l’accusé tout simplement parce qu’il considère que le résultat sera fiable compte tenu du délai entre l’appel et la prise d’échantillon. Il dira aussi qu’il n’a jamais questionné l’accusé sur le moment de sa dernière consommation d’alcool parce qu’il était avec celui-ci depuis un « bon délai ».

Toutefois, lorsqu’interrogé sur les délais requis afin de s’assurer de la fiabilité du test de l’ADA, le policier est incapable d’indiquer la période d’attente requise pour contrer l’effet de l’alcool résiduel. Il sait toutefois qu’une consommation récente d’alcool peut avoir un impact sur le résultat du test d’ADA. »

Pour ce qui est du droit à l’avocat, le policier indique qu’il avait lu les droits à l’accusé à l’aide de la carte de service fournie par la Sûreté du Québec « et que l’accusé comprenait l’ensemble des informations mentionnées à cette carte ».

Selon la version du policier, l’accusé lui demande conseil, sur les lieux de l’arrestation, au sujet du droit à l’avocat. Le policier indique à l’accusé « qu’il devrait communiquer avec un avocat, il ne s’informe pas à savoir si l’accusé veut rejoindre un avocat en particulier parce qu’il présume que l’accusé n’en connait pas puisque c’est la première fois qu’il se fait arrêter ».

Le policier admet également « ne pas avoir discuté de la possibilité de contacter l’avocat de son choix rendu au poste de police. Il indique plutôt à l’accusé de communiquer avec le service de garde de l’aide juridique parce que « c’est la procédure habituelle » et parce que « si l’accusé n’a pas d’avocat, c’est ce qu’on fait. »

Il est ici à noter que le policier indique à la cour que, contrairement à ce que prétend l’accusé, il n’y a pas d’annuaire téléphonique dans la salle utilisée pour le droit à l’avocat au poste de police.

LE DROIT APPLICABLE

Le Juge doit analyser en détails les allégations de la défense dans la présente cause. Pour ce faire, il divise son jugement point par point.

Légalité de l’arrestation

« Le principe général est qu’un policier ne peut arrêter sans mandat une personne que s’il possède des motifs raisonnables de croire que celle-ci a commis un acte criminel en vertu de l’article 495(1) du Code criminel.

L’article 320.28(1) du Code criminel prévoit spécifiquement que le policier, avant de procéder à l’arrestation d’une personne, doit avoir des motifs raisonnables de croire que cette personne a conduit un moyen de transport alors que sa capacité de conduire était affaiblie à un quelconque degré par l’effet de l’alcool ou qu’elle a commis l’infraction prévue à l’alinéa 320.14(1)b). La poursuite doit faire la preuve de ces motifs.

En temps normal, lorsqu’un test de détection routier bien effectué donne lieu à un « échec », ce résultat suffit à donner au policier les motifs requis pour ordonner à un conducteur de fournir des échantillons dans un éthylomètre.

En général, les policiers connaissent l’effet que peut avoir l’alcool résiduel sur le résultat du test. C’est pourquoi, en présence d’indices crédibles ou d’une preuve manifeste qu’une personne a consommé de l’alcool dans les quinze minutes avant le prélèvement d’un échantillon dans l’ADA, les policiers doivent être vigilants et déterminer s’il existe un motif de craindre que le résultat du test ne sera pas fiable.

Toutefois, la seule possibilité qu’une personne a pu consommer de l’alcool dans les quinze dernières minutes n’empêche nullement les policiers de se fier au résultat d’un test d’ADA.

L’examen par un Tribunal des agissements d’un policier exige d’évaluer la sincérité et le caractère raisonnable de la croyance du policier au moment où il prend la décision d’attendre ou non avant de soumettre une personne au test de dépistage. Cet examen doit faire preuve de souplesse.

En l’espèce, comme le policier décide de prendre l’échantillon sans délai et que cette décision est contestée par l’accusé, le Tribunal doit déterminer si le policier a honnêtement et raisonnablement cru qu’il pouvait se fier au résultat du test si l’échantillon était pris sans délai ».

À l’arrivée du policier sur les lieux, l’accusé consomme une boisson alcoolisé avec amis. Le Juge déclare qu’il est peu probable que le policier ne réalise pas ce fait étant donné que l’accusé doit déposer sa consommation pour suivre l’agent de police à sa demande.

Le Juge indique également qu’il est possible que le policier ait demandé à l’accusé s’il avait consommé de l’alcool avant l’accident, tel qu’indiqué lors du témoignage de l’accusé.

Selon la version du policier, « il n’a aucunement questionné l’accusé ou approfondi la possibilité d’une consommation récente tout simplement parce qu’il considérait que ce n’était pas nécessaire à ce moment.

Cette réponse pourrait, en principe, mettre fin au débat, mais il y a un hic ». En effet, le témoignage du policier démontre une « méconnaissance importante des règles de base de l’utilisation d’un ADA ».

À titre d’exemple, le policier « ne connaît pas les informations suivantes et elles ne sont pas inscrites à ses notes ou à son rapport :

– La période de validité de l’étalonnage de l’appareil de détection approuvé;

– Le numéro de série, la température de l’appareil de détection approuvé;

– Le fait que l’accusé ait fumé, mangé ou éructé avant le test dans l’appareil de détection approuvé;

– Les délais d’attente recommandés pour s’assurer de la fiabilité du test si une personne fume, éructe ou a consommé de l’alcool.

Dans ces circonstances, il devient difficile d’affirmer que la croyance du policier sur la fiabilité de l’ADA était raisonnable et qu’il pouvait objectivement se fier au résultat de l’ADA pour obtenir les motifs d’arrestation de l’accusé.

Il aurait dû s’assurer de la fiabilité du test de l’ADA en enquêtant sur le moment de la dernière consommation de l’accusé mais encore faut-il qu’il connaisse le délai d’attente requis ».

Le policier ayant affirmé « qu’il n’avait aucun autre motif d’arrêter l’accusé avant d’obtenir le résultat de l’ADA », l’arrestation a donc été faite sans motifs suffisants.

En conclusion, à compter de 20 h 04, l’arrestation de l’accusé est illégale et sa détention est arbitraire. De plus, l’ordre de suivre le policier pour fournir un échantillon dans un éthylomètre est invalide.

Droit à l’assistance d’un avocat

« L’alinéa 10b) de la Charte garantit à la personne arrêtée ou détenue le droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat sans délai et d’être informée de ce droit dès le moment de sa détention.

« Dans divers arrêts, la Cour suprême rappelle que l’article 10b) impose trois obligations aux policiers : informer la personne détenue de son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat, lui donner la possibilité raisonnable d’exercer ce droit et s’abstenir de soutirer des éléments de preuve jusqu’à ce qu’elle ait eu cette possibilité raisonnable.

Ce droit comprend celui d’être assisté de l’avocat de son choix. Le juge Cournoyer, alors à la Cour supérieure, rappelle l’importance pour une personne détenue de pouvoir consulter une personne en qui elle a confiance.

C’est pourquoi, lorsqu’il y a des signes concrets qu’une personne détenue ne comprend pas son droit à l’assistance d’un avocat, les policiers ne peuvent se contenter de la récitation rituelle de la mise en garde relative à ce droit. Ils doivent s’assurer de la compréhension par cette personne.

Après que l’information ait été donnée, la personne détenue peut renoncer à l’exercice de son droit.

Pour être valide et produire des effets, toute renonciation volontaire d’un droit doit se fonder sur une appréciation véritable des conséquences de la renonciation.

Le Tribunal ne retient pas le témoignage de l’accusé quand il affirme que le policier ne lui a pas mentionné son droit à l’avocat lorsqu’il le met en état d’arrestation sur les lieux de l’accident ».

Selon la version de l’accusé, le policier lui a lu une carte. Le Juge considère qu’il est peu probable que le policier lui ait lu toute la carte sauf la partie qui parle du droit à l’avocat. Cependant, si l’on considère que les enfants de l’accusé sont présents lorsqu’il est mis en état d’arrestation pour alcool au volant, il est possible qu’il n’ait pas bien compris le policier lors de la lecture de la carte des droits.

« D’un autre côté, il est clair que l’accusé avait un questionnement sur son droit à l’avocat. Il a, à tout le moins, soulevé ce questionnement rendu au poste de police ».

À ce sujet, le Juge considère les réponses du policier inquiétantes. « En effet, il reconnaît que rendu au poste il n’a pas réitéré le droit à l’avocat à l’accusé et encore moins lui avoir mentionné qu’il pouvait appeler l’avocat de son choix. Il justifie cette façon de faire parce qu’il présumait que l’accusé ne connaissait pas d’avocat ».

De plus, le policier indique également à la Cour « que la procédure habituelle lorsqu’un accusé ne connait pas d’avocat est de contacter le service de garde de l’aide juridique. Il semble clair que la décision de rejoindre l’aide juridique émane de l’accusé, mais est induite par le policier.

La carte fournie aux policiers leur permet de bien informer la personne détenue. Toutefois, le policier doit s’assurer de la compréhension de ce qui est mentionné parce qu’une personne détenue ne peut valablement renoncer à un droit, notamment au droit de l’avocat de son choix, que si elle est bien informée de ce droit et qu’elle a bien compris la teneur de ce droit.

Lorsqu’un policier donne à une personne détenue son droit à l’assistance d’un avocat, il ne s’agit de lire de façon machinale une carte sur les lieux de l’arrestation pour ensuite ne pas le répéter au poste et finalement communiquer avec l’avocat que le policier croit être celui que l’accusé choisit.

En l’espèce, comme la version du policier permet difficilement d’établir exactement ce qui s’est passé et que celle de l’accusé est suffisamment crédible pour déterminer que le policier ne l’a pas informé de la possibilité de contacter l’avocat de son choix et encore moins qu’il lui a donné la possibilité de le faire, le Tribunal conclut que l’accusé n’a pas validement renoncé à ce droit et, par conséquent, que son droit à l’assistance de l’avocat de son choix a été enfreint ».

EXCLUSION DE LA PREUVE

La Cour ayant déterminé qu’il y avait violations de plusieurs droits conférés par la Charte canadienne des droits et libertés, elle doit maintenant procéder à une analyse afin de déterminer si elle doit exclure la preuve obtenue suite à ces violations, en particulier les résultats d’alcoolémie de l’accusé.

La gravité de la conduite attentatoire de l’État

« La conduite attentatoire est grave. Les faits démontrent une méconnaissance des règles connues en matière d’arrestation.

En effet, le policier place tout d’abord l’accusé en état d’arrestation en se fiant à un résultat d’un test alors qu’il ne connaît pas les règles de base d’opération de l’appareil qu’il utilise pour acquérir ses motifs d’arrestation.

Ensuite, le policier ne s’assure pas que l’accusé comprend la nature de son droit à l’assistance de l’avocat de son choix. Il conclut rapidement que l’accusé appellerait l’avocat du service de garde de l’aide juridique. Dans le contexte révélé par la preuve, il devient difficile pour une personne détenue de savoir quels sont exactement ses droits` ».

Même si le policier n’a pas démontré de mauvaise foi, il a fait preuve « d’une méconnaissance des règles de base qui fait en sorte qu’il a expédié rapidement l’arrestation et l’exercice du droit à l’avocat de l’accusé.

Ces deux concepts doivent être connus des policiers et le Tribunal ne peut endosser cette façon de faire. À cet égard, le Tribunal rappelle qu’il ne s’agit pas de punir la conduite du policier dans le présent dossier, mais bien de ne pas encourager un laxisme général dans les procédures criminelles.

Sur ce critère, l’analyse milite en faveur de l’exclusion de la preuve.

L’incidence de la violation sur les droits de l’accusé

L’accusé a été détenu, fouillé, menotté, transporté dans un poste de police et mobilisé contre lui-même afin de fournir une preuve à la poursuite. Il est bien évident que l’incidence sur les droits de l’accusé est importante.

L’analyse sur ce critère milite également en faveur de l’exclusion de la preuve.

L’intérêt à ce que l’affaire soit jugée au fond

La société a intérêt à ce que les affaires criminelles soient jugées au fond.

Le Tribunal reconnait que les échantillons d’haleine constituent une preuve fiable et essentielle à la preuve de la poursuite et qu’une exclusion de cette preuve mènera à un acquittement de l’accusé.

Par conséquent, exclure ces éléments de preuve pourrait, en soi, déconsidérer l’administration de la justice.

Toutefois, son admission équivaudrait à « l’absolution judiciaire d’une conduite inacceptable de la part des organismes enquêteurs » et dans ce sens, l’admission en preuve des échantillons d’haleine déconsidèrerait l’administration de la justice.

Ce facteur milite également en faveur de l’exclusion des éléments de preuve.

La mise en balance des facteurs

La Cour suprême rappelle qu’en général lorsque les deux premiers critères militent en faveur de l’exclusion de la preuve, le poids de l’intérêt de la société à ce l’affaire soit jugée au fond pèsera peu dans la balance face à des violations des droits des accusés. En l’espèce, tous les facteurs militent en faveur de l’exclusion des éléments de preuve ».

CONCLUSION

Suite à son analyse détaillée, le Juge conclut que la preuve des échantillons d’haleine doit être exclue.

Les violations des droits de l’accusé sont sérieuses et entraînent l’exclusion de l’alcoolémie de l’accusé suite à son arrestation.

Comme il n’y a plus de preuve de l’alcoolémie de l’accusé lors de cet événement, ce dernier est acquitté d’avoir conduit un véhicule moteur avec une alcoolémie égale ou supérieure à 80 mg d’alcool par 100 ml de sang.

Référence : La Reine c. Desmarais – cause 765-01-034681-193

Jugement du 1er octobre 2020 de l’Honorable Juge Marc-Nicolas Foucault, J.C.Q., Cour du Québec, chambre criminelle, district de Richelieu, localité de Sorel-Tracy

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